carrefour de la rue Richelieu et de la rue Catinat
à Nîmes le 3 Octobre 1988
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Alors que nous entrons ces prochains jours et pour une énième fois dans un nouvel épisode Cévenol Comment expliquer les déluges répétitifs de précipitations dans le Sud-Est de la France ?
Pendant près d'un mois, le sud-est de la France a connu de véritables déluges de pluie, et ce, à plusieurs reprises. Changement climatique ou caprice météorologique ? Mauvaise gestion du risque, aménagement du territoire irresponsable ? Nous vous proposons un éclairage sur un phénomène météorologique connu : l'épisode cévenol, mais dont l'ampleur et les conséquences posent question.
« La France est depuis un mois sous l'influence d'un régime perturbé de sud-ouest piloté par un vaste système dépressionnaire positionné sur l'Atlantique.
Cette situation favorise la remontée sur la France de masses d'air chaud, très humide et instable en provenance de la Méditerranée. Par ailleurs la température de surface de la mer Méditerranée a été, en septembre, plus chaude que la moyenne sur toute sa partie nord-ouest.
Du fait de cette température élevée, les masses d'air maritimes sont particulièrement chargées en vapeur d'eau. Avec la configuration géographique particulière de la côte languedocienne et des Cévennes, la conjonction de ces ingrédients conduit à ces épisodes de pluies intenses, typiques de cette région et de cette période de l'année : le contraste entre des masses d'air chaud et humide et des masses d'air sec et plus frais favorise le développement de pluies intenses, durables et parfois stationnaires. »
© Risques Majeurs
Ainsi, des masses d'air chaudes et humides, en pénétrant dans les terres, se heurtent aux reliefs des Cévennes, ce qui entraîne des précipitations dites orographiques. Ces épisodes cévenols, du nom du massif des Cévennes[1], surviennent généralement au début de l'automne et se caractérisent par des pluies intenses et durables provoquant des cumuls de pluviométrie de plusieurs centaines de millimètres en quelques heures, soit l'équivalent de plusieurs mois de pluie !
© RTL
Cette configuration météorologique particulière a généré 4 épisodes cévenols successifs, un fait exceptionnel :
Or, cette suite de pluies intenses a entraîné la saturation des sols en eau, ce qui explique que le réseau hydrographique ait débordé massivement. De surcroît, les sols, de plus en plus artificialisés, ont été incapables d'absorber les cumuls de précipitations qui se sont donc frayées un chemin vers les talwegs[2], coûte que coûte. En effet, la végétation joue un rôle primordial dans la rétention des eaux.
« Vendredi 10 octobre, un premier phénomène cévenol a touché le nord-est de l'Hérault, le Gard et l'Ardèche, s'accompagnant de cellules stationnaires, notamment sur la région de Nîmes. Ces cellules ont provoqué localement de forts cumuls de pluie (plus de 200 mm[3] en quelques heures). Les précipitations se sont ensuite évacuées par l'Est durant la nuit de vendredi à samedi. Après une accalmie durant la journée de samedi, les précipitations ont repris dans la matinée de dimanche avec un nouveau phénomène cévenol qui a concerné les mêmes trois départements et a pris fin en tout début de matinée lundi 13 octobre. Il a apporté par endroit entre 100 et 150 mm supplémentaires, et localement plus de 200 mm », explique Météo-France.
Suite aux orages de la nuit, les cadereaux ont débordé, particulièrement celui de Camplanier le vendredi 10 octobre 2014 le matin. De inondations importants se sont produites dans certains quartiers. Des voitures ont été emportées par le courant ainsi que des bungalows de chantier. Le Gard a été placé en alerte rouge à 11h. L'eau est encore montée en matinée, atteignant le boulevard Pompidou. Suite aux orages, 400 personnes ont été secourues dans le département du Gard en début d'après-midi. 450 sapeurs-pompiers ont été mobilisés, dont 200 venus en renfort depuis d'autres départements, ainsi que 100 gendarmes.
Entre le 9 et 13 octobre, soit sur 4 jours, Météo-France a relevé :
Depuis le 1er septembre, Météo-France a relevé :
Inondations du 20 septembre 2014 à Alès : 140 à 200 mm d'eau se sont abattus en moins de 6h
Alès Cévennes
Si ce type de situation n'est pas rare dans cette région, c'est la succession d'épisodes pluvieux intenses qui revêt un caractère remarquable. En moyenne, on enregistre des épisodes méditerranéens violents tous les deux à trois ans.
Météo-France fait le point sur les épisodes des dernières décennies :
"Le Gard, l'Ardèche, puis l'Hérault et la Lozère figurent en tête des départements où on observe le plus souvent des épisodes apportant plus de 200 mm de pluie en 1 jour en moyenne par an (Gard et Ardèche : en moyenne 1 fois par an, Hérault et Lozère : en moyenne tous les 1 à 2 ans).
Si en moyenne l'Hérault connaît un épisode de pluies intenses par an (= 200 mm en 1 jour), le département a en effet certaines années été frappé par plusieurs épisodes de ce type et dans certains cas sur des périodes de l'ordre d'un mois comme cette année : 3 épisodes en 2003, de même en 1995...
Concernant le Gard, plusieurs années peuvent être citées : septembre 2002 (682,6 mm relevés en 24 heures à Cardet), septembre 2005, l'automne 1963 ou encore les automnes 1958,1933 et 1907 avec pour chacun deux épisodes successifs.
A l'échelle de la région Languedoc-Roussillon, on peut mentionner les automnes 2010, 1995 (jusqu'en janvier 1996), 1997, 1976 comme étant extrêmement perturbés."
Météo France nous rappelle que le 29 septembre 1900, à Valleraugue, un petit village cévenol situé au pied du mont Aigoual, il tomba ainsi 950 mm en 10 heures !
"A Nîmes le 3 octobre 1988, il tomba 400 mm de précipitations en 6 heures ; et durant les inondations de Vaison-La-Romaine le 22 septembre 1992, où ce sont 300 mm d'eau qui tombèrent, dont 150 mm en moins de 2 heures, transformant la rivière de l'Ouvèze en un torrent meurtrier (41 morts) et destructeur (320 maisons endommagées)", indique le site Risques Majeurs.
Démunis face aux désastres engendrés par de tels évènements exceptionnels, les sinistrés évoquent la responsabilité des changements climatiques en cours.
En effet, par rapport à la même période l'année dernière, la température de la mer Méditerranée est de 2°C à 3°C supérieure : avec une eau sur les côtes qui côtoie encore 23°C au 15 octobre 2014, selon les données enregistrées par les bouées positionnées dans le Golfe du Lion.
Ce réchauffement notable peut-il être attribué au réchauffement des eaux constatés dans de nombreuses régions du monde ? Le dernier rapport du GIEC indiquait que les océans jouent un rôle considérable dans l'atténuation du changement climatique en absorbant 90 % de l'augmentation de la quantité d'énergie reçue dans le système climatique. Or, les couches océaniques superficielles (moins de 700 m de profondeur) se sont réchauffées.
Pour Météo-France, il semble encore difficile d'être affirmatif : « On ne peut pas à ce stade attribuer au changement climatique des évènements ponctuels. Par ailleurs, on n'observe pas de tendance à l'augmentation du nombre d'épisodes de pluies diluviennes dans le sud-est de la France depuis qu'on peut les recenser de manière précise (à partir de 1958), y compris pour les épisodes les plus intenses. » De plus, « On ne peut pas actuellement dire si les événements de pluies diluviennes dans le Sud-Est seront plus nombreux à la fin du siècle. Ces phénomènes sont d'une taille trop petite pour être reproduits par les modèles qui simulent l'évolution du climat. »
Toujours est-il que le réchauffement climatique en cours contribue inévitablement à faciliter la reproduction de ce type de phénomène.
En outre, le réchauffement de la mer Méditerranée constaté depuis maintenant 40 ans pourrait bien favoriser la formation de cyclones : les médicanes, comme ce fut le cas en novembre 2011 au large des Baléares. Peu fréquent mais violent, ce phénomène peut provoquer des dégâts importants sur les côtes méditerranéennes densément peuplées et dont l'aménagement est manifestement bien mal géré.
Outre le réchauffement climatique et/ou les caprices météorologiques, l'augmentation du risque inondation augmente fortement avec la gestion peu responsable et même frauduleuse du territoire. En effet, c'est en premier lieu l'artificialisation des sols par la construction d'infrastructures, de logements et d'équipements qui conduisent à surcharger les réseaux d'évacuation des eaux et à obstruer ceux existant.
De plus, des constructions sont en partie présentes dans des zones inondables et de nouvelles sont encore prévues dans ces zones à risque !
« Les mesures de lutte contre les inondations mises en place ces dernières années [recalibrage du Lez, connexion avec les étangs littoraux et bassins d'orage des nouveaux quartiers], se sont révélées largement insuffisantes : les bassins d'orage ont été engorgés en quelques minutes le 29 septembre. » souligne avec dépit Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l'eau auprès de collectivités locales. Il ajoute :
« Les surfaces imperméabilisées ont été multipliées par 3 en 20 ans dans l'agglomération de Montpellier.
La folie bétonnière rend les inondations plus violentes et le changement climatique va les rendre plus fréquentes comme le note l'agence de l'eau Rhône Méditerrannée Corse. » et dénonce : « Les collectivités locales du Languedoc-Roussillon avaient déjà une fâcheuse tendance à ne pas respecter les SAGE et à accorder des permis de construire sur des zones inondables. »
L'association France Nature Environnement accuse également les aménageurs : « Intégrant cette contrainte météorologique, l'aménagement du territoire en région méditerranéenne devrait tout faire pour limiter l'artificialisation du territoire et aboutir à zéro artificialisation nette. A chaque mètre carré imperméabilisé doit correspondre un autre qui ne l'est plus.
Pour tendre vers cet objectif indispensable, les collectivités doivent élaborer et faire respecter un droit qui protège mieux les citoyens. Les plans de prévention des risques d'inondation doivent être réalistes au regard de l'aléa inondation et ne doivent plus être influencés par les intérêts de ceux pour qui construire c'est gagner de l'argent ou de nouveaux contribuables, peu importe le risque.
Le risque augmente quand on artificialise le territoire mais aussi lorsqu'on endigue les cours d'eau, en plus d'imperméabiliser leurs berges. En supprimant les zones d'expansion de crue, en construisant sur des zones naturelles et agricoles, et en augmentant le débit des rivières et fleuves en les endiguant, on empêche leur régulation naturelle et on augmente le niveau des inondations et leurs conséquences. »
Résultat : la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) « évalue le coût des intempéries qui ont touché la région de Montpellier du 28 au 30 septembre 2014, à un montant compris entre 100 et 200 millions d'euros. Cette évaluation correspond à la charge de sinistre des assureurs dans le cadre du régime Cat Nat. Elle s'applique aux départements des Pyrénées Orientales, de l'Aude, de l'Hérault, et du Gard. » Une première estimation qui devra être « affinée en fonction des informations complémentaires recueillies. »
L'événement du 19 au 20 septembre, qui avait touché la même région, avait été estimé par CCR entre 90 et 160 millions d'euros de dommages assurés pour le régime Cat Nat.
Pour Denez L'Hostis, président de FNE :
« Les élus ne pourront plus dire qu'ils ne savaient pas.
Une gare nouvelle en pleine zone inondable est ainsi envisagée à Montpellier d'ici 2017.
Il faut sortir de cette fuite en avant et ne plus construire en zone inondable !!
Rappelons qu'en 2011, 18,5 millions de français étaient exposés au risque inondation, qui demeure le premier risque naturel en France.
Le procès Xynthia, actuellement en cours, démontre une fois de plus la négligence de l'Etat face à ce type de risque ».
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Monsieur Villanueva Serge
Président de l'association"ASIST"
(association de surveillance des inondations et sauvegarde des territoires)
311 rue Abbé Duplan
30 000 Nîmes